L’Île de la Cité menacée de désertification

Que va-t-il advenir du coeur de l’antique Lutèce ? Considéré comme le berceau de Paris, l’Île de la Cité, entièrement classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est à la croisée des chemins. Au-delà de la difficile reconstruction de Notre-Dame, elle est menacée de désertification, avec le départ de plusieurs administrations, et pâtit de l’absence d’un projet global.

Le Palais de justice, ancienne résidence royale, est au cœur des interrogations. Le déménagement du TGI vers les Batignolles, en 2018, a libéré 40 000 mètres carrés. La chancellerie voudrait en profiter pour rapatrier des services situés hors de l’île. Mais le bâtiment, qui accueille toujours les Cours d’appel et de cassation, est vétuste. Une première mise aux normes a démarré mais rien n’a encore filtré de l’ampleur des travaux nécessaires ni a fortiori de leur coût.

Le Palais suscite aussi les convoitises d’autres ministères. A l’Intérieur, la préfecture de police de Paris, dont le siège fait face à Notre-Dame, défend son annexe mythique du 36 quai des Orfèvres, collée au Palais, et s’y verrait bien installer un musée. Les brigades centrales de la police judiciaire ont, en effet, rejoint les Batignolles, seule l’Antigang restant sur place en cas d’attentat. De son côté, le Centre des monuments nationaux (CMN), qui dépend de la Culture, voudrait lui aussi s’étendre pour mieux valoriser la Sainte-Chapelle (un million de visiteurs par an) et la Conciergerie attenante.

Un « labyrinthe de citadelles administratives »

Autre bâtiment en restructuration: l’Hôtel-Dieu, qui borde le parvis de Notre-Dame. Des travaux importants doivent démarrer au second semestre pour réaménager les espaces hospitaliers, qui occuperont les deux-tiers de la superficie. Le tiers restant, côté parvis, pourrait être confié à un opérateur privé. Un appel à projets a été lancé, dont le lauréat est censé être désigné en mai. Enfin, plus anecdotique, le Marché aux fleurs, lui aussi vétuste, doit faire l’objet d’une rénovation.

Mais l’île souffre de l’absence de concertation entre les ministères et la mairie, comme le déploraient Philippe Belaval, patron du CMN, et l’architecte Dominique Perrault, missionnés par François Hollande pour réfléchir à l’avenir du site. Dans leur rapport publié en décembre 2016, ils dénoncent un  » labyrinthe de citadelles administratives « , reprochant aux services de l’Etat d’entretenir un  » rapport possessif  » avec les bâtiments sans les entretenir correctement. Ils regrettent que l’île, dont la population résidente ne cesse de baisser, ait été le parent pauvre des politiques publiques depuis Haussmann: station de métro sous-utilisée, signalétique défaillante, infrastructures touristiques insuffisantes, faiblesse des incitations à l’implantation de commerces…

Les auteurs font ensuite 35 propositions d’aménagement dont certaines controversées, comme la création de verrières dans les cours des bâtiments et d’une serre au Marché aux fleurs. Ils imaginaient aussi un sol en verre sur le parvis de Notre-Dame pour dévoiler la crypte archéologique. Reste désormais à savoir si ce rapport sera ressorti du placard dans les mois qui viennent.

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