Pour les lauréats de Wimbledon, la dotation s’établit à environ 3 480 000 euros chacun. Or, pour ceux situés hors du top 100 mondial, parvenir à équilibrer recettes et dépenses chaque semaine relève souvent d’un parcours semé d’obstacles.
Taro Daniel, classé autour de la 150ᵉ place mondiale, illustre la précarité financière à laquelle sont confrontés la plupart des joueurs de ce rang. Au cours de la première moitié de 2025, il a accumulé un total de 165 600 € de gains en tournois. Si ce montant semble confortable, il s’érode très rapidement au fil des charges inhérentes à la vie de compétiteur itinérant.
Chaque mois, ses frais d’hébergement, de restauration et de transport atteignent en moyenne 18 400 €. Les tournois prennent en charge la chambre du joueur principal, mais excluent systématiquement celles de l’entraîneur, du préparateur physique et du kinésithérapeute. Or, pour un coach de niveau intermédiaire, le salaire annuel minimum s’élève à 46 000 €, assorti d’une commission de 10 % sur les gains. Au total, le coût annuel de base pour un encadrement restreint dépasse 92 000 €, sans compter les frais de déplacement supplémentaires.
Les billets d’avion représentent une part importante de la facture. Pour relier Indian Wells à Miami, un aller simple se négocie couramment autour de 460 €. En incluant trois sièges pour le joueur, son coach et son préparateur, ainsi que le fret de raquettes et de matériel, la note grimpe à près de 1 840 €. Chaque changement de date de vol, souvent décidé à la dernière minute en fonction des résultats, peut pousser ce montant encore plus haut.
Il y a une décennie, les joueurs de second rang voyageaient fréquemment sans encadrement. Aujourd’hui, même pour un Grand Chelem, la plupart ne conçoivent plus de se présenter sans coach. À ce niveau, le détail financier est crucial : chaque dépense impacte directement la capacité à performer match après match.
La notoriété peut toutefois offrir un soutien extérieur. Grâce à ses victoires contre Andy Murray et Novak Djokovic, Taro Daniel a pu décrocher des partenariats commerciaux et des contrats de sponsoring. Ces compléments de revenus pallient partiellement la lourdeur des frais, surtout lorsque les performances sur le circuit secondaire Challenger, aussi nombreuses soient-elles, n’attirent pas l’attention du grand public.
Néanmoins, l’irrégularité des dotations sur le circuit Challenger renforce la volatilité des gains. Lors d’un tournoi à Pérouse (Italie), l’issue d’un huitième de finale signifie souvent une récompense de seulement 3 000 €. Pour un joueur de 32 ans bénéficiant déjà d’une réserve financière, cette somme apparaît modeste ; pour un jeune n’ayant pas encore constitué de coussin, une telle contre-performance peut compromettre l’équilibre budgétaire de sa saison.
La Professional Tennis Players’ Association (PTPA) a engagé cette année une procédure contre les instances dirigeantes du tennis mondial, dénonçant notamment le faible partage des revenus en faveur des joueurs situés au‑delà du top 100. Parmi les propositions avancées, l’idée d’un versement automatique de 92 000 € par saison, pour chaque joueur classé jusqu’au 300ᵉ rang, financerait une meilleure sécurité financière. Ce montant pourrait provenir d’une contribution conjointe des quatre tournois majeurs et de l’ATP ou de la WTA, à hauteur de 8 000 000 € chacun.
L’ATP a pris l’initiative de lancer, en 2024, le programme Baseline. Il garantit un revenu minimal de 276 000 € pour les joueurs du top 100, 184 000 € pour les positions 101 à 175, et 92 000 € pour les 176 à 250. Sa première édition a distribué 1 196 000 € à 26 compétiteurs. Un porte‑parole de l’ATP souligne que ce dispositif est exclusivement financé par l’organisation, et qu’il pourrait être étoffé grâce à l’appui financier des Grands Chelems.
Le fossé qui s’est creusé entre les plus hauts niveaux et le reste du peloton s’explique aussi par la différence de ressources disponibles. Les meilleurs joueurs disposent d’un encadrement complet – coach, préparateur, kiné, nutritionniste – et bénéficient de meilleures conditions de récupération. Pour les autres, chaque décision de voyage, chaque repas et chaque nuitée constituent un poste de dépense déterminant l’état de préparation pour le match suivant.
Taro Daniel décrit malgré tout sa situation comme « gérable » grâce à ses gains passés et ses sponsors, mais il avertit que sans renforts structurels, de nombreux talents ne pourront pas soutenir un rythme de tournée éprouvant. Au-delà des simples chiffres, c’est la capacité à se consacrer pleinement à la performance qui est en jeu, chaque euro épargné ou dépensé ayant un impact immédiat sur la qualité du travail sur le court.