Ports californiens à l’épreuve des surtaxes américaines

Le port de Los Angeles, première plateforme d’entrée des marchandises en conteneurs, rapporte une chute significative de 35 % de ses volumes par rapport à 2024. Cette tendance s’explique par la mise en œuvre de nouveaux tarifs sur les importations en provenance de Chine et l’accélération des commandes en amont, afin d’anticiper une hausse des coûts au moment de la mise en vigueur des mesures tarifaires.

Sur les quais, les compagnies maritimes annulent ou reportent leurs escales à un rythme jamais observé hors période de crise sanitaire majeure. Le délai normal de réservation des espaces pour les conteneurs, en principe fixé à deux semaines avant l’appareillage, n’a pas suffi à absorber les effets des annonces de l’administration fédérale. Les navires qui avaient appareillé avant l’annonce des droits majorés continuent d’arriver, mais les demandes nouvelles se raréfient. Les analystes prévoient que l’impact total de ces décisions ne sera pleinement perceptible qu’à partir de l’été 2025, le temps que l’ensemble des rotations maritimes ait intégré les changements de politique.

À proximité immédiate, le port de Long Beach enregistre une baisse de trafic de 30 %. Ensemble, Los Angeles et Long Beach traitent environ 31 % du flux conteneurisé des États-Unis. Cette co-dépendance des deux infrastructures crée un effet domino sur toute la chaîne d’approvisionnement régionale. Selon Mario Cordero, directeur général du port de Long Beach, chaque diminution de volume se traduit par une réduction proportionnelle des emplois liés à la manutention, à l’entreposage et au transport terrestre. Près d’un poste sur neuf dans la région métropolitaine dépend directement ou indirectement de la bonne santé de ces complexes portuaires.

L’effet de ricochet touche également les exploitants de flotte routière. Le nombre de kilométrages parcourus par les transporteurs routiers chute de 20 % depuis le début du second trimestre. Sans cargaisons à livrer, les camions passent plus de temps à l’arrêt, engendrant une surcapacité dans un secteur déjà fragilisé par la volatilité des prix du carburant et les difficultés de recrutement de chauffeurs qualifiés. Les sociétés ferroviaires, utilisant les terminaux intermodaux adjacents aux ports, anticipent une contraction de leur chiffre d’affaires dès le troisième trimestre 2025.

Sur le plan macroéconomique, la réduction des flux d’importation pèse sur les inventaires des distributeurs et des grands groupes de distribution. Les rayons des magasins spécialisés en électronique et en textile pourraient être impactés, si les approvisionnements n’ont pas repris un rythme suffisant d’ici la rentrée. Les cosmétiques, gadgets et biens d’équipement ménager importés de Chine voient leurs délais d’approvisionnement passer de dix à quinze jours supplémentaires. Face à la multiplication des commandes de sécurité, les détaillants confrontent désormais une instabilité plus marquée des délais et des frais logistiques.

La politique tarifaire, adoptée dans l’objectif de relocaliser certaines activités de fabrication sur le sol américain, s’accompagne d’une imprévisibilité qui complique la planification des achats. Le caractère temporaire de la réduction ponctuelle à 30 % de certains droits de douane pour une période de trois mois n’a pas suffi à restaurer la confiance des importateurs. Les négociations commerciales, actuellement en cours avec plusieurs partenaires, n’ont pas permis d’inscrire de stabilité à moyen terme dans les échanges. Les opérateurs internationaux redoutent de nouvelles hausses ou la réintroduction brutale de surtaxes à l’issue de la période de suspension.

Les experts logistiques comparent aujourd’hui ces à-coups aux fluctuations extrêmes observées au plus fort de la crise sanitaire liée à la Covid-19. La réactivité des chaînes d’approvisionnement est mise à l’épreuve : durant la pandémie, l’adaptation aux pénuries temporaires a pu être gérée par la montée en charge de la production domestique et l’ajustement des itinéraires de transport. Or la nature prolongée et incertaine de la politique douanière actuelle entraine un déphasage dans les capacités de réaction des opérateurs, générant des goulets d’étranglement autant en mer qu’à terre.

Les ports de Los Angeles et de Long Beach fonctionnent comme des baromètres de l’économie américaine. Le déclin des volumes traités révèle une contraction des échanges et souligne la fragilité naissante de la chaîne logistique nationale. Les acteurs industriels surveillent de près l’évolution des droits imposés sur les produits manufacturés, électroniques et textiles, afin d’ajuster leurs stratégies d’approvisionnement et de stockage. À court terme, la réduction de l’activité portuaire devrait se traduire par une pression sur les capacités d’entreposage, des délais plus longs et des coûts additionnels pour le consommateur final.

Sans modification substantielle des droits de douane ou sans accord durable avec les principaux partenaires commerciaux, la conjoncture logistique pourrait rester atone jusqu’en 2026. Les ports, véritables carrefours du commerce mondial, continueront de subir les effets de ces choix tarifaires, en témoignant par leurs niveaux d’activité de la trajectoire suivie par l’économie américaine.

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