Pourquoi ne pas utiliser le crowdfunding pour financer votre mort?

Au lieu de donner des fleurs, financer un bout de cercueil. Ou même d’urne. Vos amis et votre famille veulent vous aider lors de votre dernier voyage? C’est désormais possible. Le crowdfunding ne sert plus seulement à mutualiser ses économies afin de financer un projet, un cadeau commun voir un mariage. Le financement participatif permet désormais de payer des obsèques. Collecte-Julie a été créé par Senior Media, une entreprise spécialisée dans le marché du funéraire. Elle se présente comme le « TripAdvisor du funéraire », avec son site internet de comparateur meilleurespompesfunèbres.com.

Dans leurs locaux parisiens, un brin sinistre, Charles Simpson, fondateur de l’entreprise explique son projet. « Beaucoup de personnes n’ont pas 3.350 euros (coût moyen des obsèques en France) sur leur compte en banque afin de financer des obsèques. Nous nous sommes rendus compte que les gens avaient du mal à payer les funérailles ».

La création de ce système de crowdfunding serait donc utile et quasiment d’intérêt public en permettant à des personnes qui n’en ont pas les moyens d’assurer des obsèques dignes. « Nous ne faisons que moderniser quelque chose qui existait déjà. Il y a 500 ans, les gens donnaient via une quête à l’Eglise ou pour payer les obsèques » justifie Charles Simpson. Avec le spectre « des indigents » si la personne ne peut financer ses obsèques (la commune assure le paiement des services funéraires avec une formule forcément très réduite).

Le fondateur de Senior media pointe également le développement des crémations, un tiers des obsèques, afin d’expliquer que « c’est un peu particulier de donner des fleurs dans ces cas-là alors que souvent les gens souhaitent donner-utile ».

 « Je n’y croyais pas du tout »

Une femme ayant organisé un crowfunding pour la meilleure amie de sa fille explique sa démarche. « C’est génial. Nous avons démarré de zéro et grâce à cela, nous avons réussi à enterrer dignement ‘petite mère’. En deux jours, nous avons récupéré 2.500 euros. J’avoue que je n’y croyais pas du tout. Je voyais la cagnotte augmenter rapidement grâce à Facebook. Beaucoup de gens ont donné: des amis qu’elles ne voyaient plus ou qui étaient partis vivre à l’étranger, certains qu’elle avait perdus de vue. Et même des anonymes qui étaient touchés par son histoire ». 

Depuis son lancement en juin dernier, Collecte Julie compte une trentaine de financement participatif d’obsèques. Et ce, sans communication de l’entreprise, le temps pour elle d’affûter son offre avec les retours des premières expériences. « Ce n’est pas forcément dans les grandes villes que cela fonctionne mais souvent dans le Nord ou l’Est de la France ainsi que la grande banlieue parisienne », détaille Charles Simpson. 

Le rôle de l’entreprise ayant créé cette offre de crowdfunding a évolué.  « Nous créons la page web avec une photo et un texte. Nous aidons les familles à la partager via Facebook ou par des mails. Nous les épaulons également pour les mails de relance et de remerciements », explique le fondateur de Collecte Julie. Au début, la présentation de la personne défunte était assurée par la famille ou les amis. Mais rapidement le site de crowdfunding a pris le relais. « Les familles ne sont pas hyper à l’aise avec le procédé. Ecrire, c’est un métier. L’orthographe fait également peur à beaucoup de gens », ajoute Charles Simpson. 

Profil type du défunt adepte de crowdfunding

« Ce sont des personnes vraiment démunies mais surtout jeunes qui font appel aux crowdfunding », précise Loïc d’Heily, employé des pompes funèbres à Bonneuil-sur-Marne (Val de Marne). « L’élan de solidarité est plus fort pour quelqu’un qui décède à 25 ans qu’à 90 ans. De plus l’entourage d’un jeune sera connecté aux réseaux sociaux alors que pour les personnes âgées, c’est plus compliqué. Une personne de 80 ans qui perd son conjoint ne va pas se tourner vers du crowdfunding », ajoute Julien Vanderhaeghe, conseiller funéraire à Mons-en-Baroeul (Nord).

« Le public jeune n’a pas peur de faire payer les autres », tranche Loïc d’Heily car il serait plus familiarisé à l’idée de financement participatif.

Avant sa phase de communication, Collecte Julie est proposé par certains conseillers funéraires. « On s’adapte à la famille en face de nous, complète le conseiller funéraire. Ce n’est pas encore entrée dans les moeurs, cela peut heurter certaines personnes. Demander de l’aide est parfois compliqué ». « C’est un milieu très particulier, très traditionnel abonde le créateur de l’offre de crowdfunding. Le principal problème est le frein au changement. Surtout que les sous, c’est un peu tabou ». 

De nombreuses réticences existent encore à l’idée de faire financer des obsèques par une personne tierce à la famille proche. « En gros les gens se disent c’est la honte de faire appel au crowdfunding pour la mort d’un proche », décrypte un employé de pompes funèbres.  

Objectifs ambitieux

Le montant moyen des contributions au financement des obsèques est de 39 euros mais celles-ci peuvent varier de 1 à 500 euros. Le site se rémunère en prenant 5% de chaque contribution. Il table sur un objectif de 50.000 décès par financement participatif d’ici 2018, soit de 8 à 10% des 600.000 décès par an prévu en 2018. A noter que contrairement à de nombreuses collectes pour d’autres projets de crowdfunding, le versement de l’argent récolté s’effectue à la personne qui organise les obsèques, quel que soit le pourcentage du total demandé. 

Mais ils ne resteront sûrement pas seuls sur ce créneau. La concurrence s’organise. « Notre rôle, c’est l’accompagnement des familles se défend le fondateur de Collecte Julie. Nous serons meilleurs que la concurrence sur la connaissance du secteur et sur l’accompagnement des familles. L’humain c’est fondamentale ». Surtout que le papy boom pointe le bout de son nez pour les prochaines années. Une vraie aubaine pour les pompes funèbres qui voient aujourd’hui de plus en plus de familles démunies face au prix nécessaire pour financer des obsèques décents à leurs proches. 

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