Pourquoi Total préfère l’Afrique au gaz de schiste

Il y a deux ans, Total avait repris pour 7,4 milliards de dollars les activités hydrocarbures du Danois Maersk Oil. Il s’agissait alors de l’acquisition la plus importante du pétrolier depuis l’accord avec Elf. Aujourd’hui, le groupe va un cran plus loin avec le rachat des actifs africains de l’américain Anadarko pour 8,8 milliards de dollars. Hier soir, Total a annoncé avoir pris langue avec Occidental Petroleum qui tente en ce moment de racheter Anadarko. Pour le moment rien n’est fait, car la compagnie fait l’objet d’une féroce bataille boursière entre Occidental et Chevron.

Début avril, Chevron proposait une offre à 33 milliards de dollars. Trois semaines plus tard, Occidental surenchérissait à 57 milliards.  » Si elle se réalise, l’acquisition d’Anadarko par Occidental nous offre l’opportunité d’acquérir un portefeuille d’actifs de classe mondiale en Afrique, ce qui renforcerait notre position de leader parmi les sociétés privées internationales sur le continent, indique le PDG de Total Patrick Pouyanné dans un communiqué. Total accéderait à plus de 3 milliards de barils de ressources. » Ce qui est évidemment considérable.

Les ressources d’Anadarko se trouvent dans quatre pays : l’Algérie, le Ghana, le Mozambique et l’Afrique du Sud. Le deal avec Occidental Petroleum est un joli coup pour Total. Avec Maersk Oil, le pétrolier avait déjà fait preuve du même opportunisme. Après que Total eût ravi en 2016 au danois un important contrat pétrolier au Qatar, Patrick Pouyanné pressentait que cette perte conjuguée à la chute des cours du brut pourrait amener le géant de la logistique à réviser sa stratégie. Un an plus tard, ce fut fait. Et Total s’est retrouvé en première ligne quand Maersk s’est séparée de ses hydrocarbures.

Cap sur le Mozambique

Avec Anadarko, le deal est totalement différent. Cette compagnie est une des plus en pointe dans le pétrole de schiste. Elle détient notamment des positions de premier plan dans le bassin du Permien. Situé à l’ouest du Texas, le Permien est le nouvel eldorado de l’or noir. Il tourne en ce moment à plein régime avec une production de plus de 4 millions de barils/jours. C’est le Permien qui a permis à Washington de devenir le premier producteur mondial de pétrole. Aux Etats-Unis, cette ressource non conventionnelle fait rêver les majors.

ExxonMobil, Shell, BP et les autres rachètent des actifs à tour de bras. Total est cependant restée à l’écart du mouvement. La firme de La Défense estime trop élevé le ticket d’entrée. Le français veut jouer sa propre partition. Et celle-ci passe par l’Afrique, son terrain de jeu traditionnel. Que ce soit en matière de production qu’en matière de marketing et services. Ces dernières années, Total a repris à ses concurrents des réseaux de stations de service. Le pétrolier détient désormais plus de 15% du marché africain.

Le deal avec Occidental lui offre maintenant l’opportunité de se développer hors de ses zones traditionnelles. Et notamment au Mozambique, un pays qui regorge de gaz offshore. En 2012, Total avait acquis 40 % d’un permis sur un champ de 15 000 kilomètres carrés. Avec les actifs d’Anadarko, le français change de dimension. Car l’Américain dispose sur place de pas moins de 2 milliards de barils de ressources long terme. Dans une dizaine d’années, le Mozambique sera peut-être le troisième pays africain de Total derrière le Nigéria et l’Angola.

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