Prêt garanti par l’Etat: comment les PME vont rembourser

Parmi les mesures d’aide aux entreprises, le prêt garanti par l’Etat (PGE) fait l’unanimité. S’il y a eu certains couacs (lire page 42), les souscriptions ont été massives : Au 7 mai, 66 milliards d’euros de PGE avaient été accordés (sur un total de 93 milliards de demandes en cours), à 81 % au bénéfice de TPE et PME. Même si le total culminera finalement, non au plafond de 300 milliards prévus par le gouvernement, mais plutôt dans une fourchette de 150 à 200 milliards, le succès est là. Avec son corollaire immédiat : comment le rembourser ? Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, a pris sa calculette :  » Les PGE sont généralement souscrits pour un montant équivalent à 25 % du chiffre d’affaires, à rembourser sur quatre ans. Cela fait alors un remboursement d’environ 6 % par an, alors que la rentabilité moyenne des PME ne dépasse pas 3 %. L’équation est impossible. « 

Tout le monde s’accorde sur ce constat. Alors que faire ? Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a plaidé sur France Inter pour  » des formes innovantes, inventives de soutien en fonds propres  » de la part de l’Etat. Et là, les solutions divergent. Patrick Artus a soufflé à Geoffroy Roux de Bézieux le recours à des obligations subordonnées :  » Un fonds garanti par l’Etat récupérerait les créances et les transformerait en titres étalés sur une longue période [jusqu’à dix ans, voire vingt ans selon le Medef] qui ont l’avantage d’être des quasi-fonds propres.  » Cette proposition de l’économiste en chef de Natixis a retenu toute l’attention du ministre de l’Economie Bruno Le Maire.

2 750 PME à sauver

Car le schéma est plus simple que celui défendu par Antoine Frérot, le PDG de Veolia et président de l’Institut de l’Entreprise, attentif à ce titre au risque de faillites, notamment des TPE : « Pour tous ces entrepreneurs, c’est le rêve d’une vie qui s’effondre alors. Si l’Etat parvenait à les sauver en remettant leur bilan dans l’Etat où il était à la fin 2019, combien cela coûterait-il ? 500 milliards peut-être… Mais cela permettrait d’éteindre la rancœur inextinguible que ces disparitions provoqueraient. »

Ces solutions ont un inconvénient : elles ne sont pas « sélectives », comme le recommande le gouverneur de la Banque de France. « Il ne serait pas sain de soutenir les entreprises non viables », abonde Eric Lombard, le directeur général de la Caisse des dépôts. Il travaille donc à une réorientation de ses allocations de fonds propres et de quelques autres poids lourds pour drainer des dizaines de milliards d’euros vers des entreprises qui peuvent redevenir rentables une fois passée la crise : « La Caisse, avec Bpifrance et des fonds régionaux, est là précisément pour cela, mais en restant dans des mécanismes de marché. »

Car tout le monde en est bien conscient : il ne servirait à rien de verser de l’eau sur le sable… Pour l’éviter, une jeune agence de notation spécialisée dans les entreprises moyennes, Inbonis Rating, a remis à Bercy un dossier répertoriant les 2 750 PME à sauver. « Nous avons ciblé les 30 000 entreprises qui font entre 10 et 50 millions de chiffres d’affaires, explique Alberto Sanchez Navalpotro, son directeur général, qui précise qu’elles représentent 18 % du PIB. Nous les avons passées à un triple tamis : secteur prioritaire, impact de la crise du Covid et vulnérabilité financière. Et nous avons partagé la liste avec l’administration du Trésor. » Jusqu’ici, la « contribution désintéressée » d’Inbonis Rating n’a reçu qu’une réponse polie de Bercy. Et pourtant on ne fait pas de meilleur outil « sélectif ».

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