Qatar : 2ème cargaison de gaz livrée à l’Egypte

Alors que le Qatar a fortement dénoncé l’intervention de la police égyptienne contre les partisans du président islamiste déchu, Mohamed Morsi, Doha n’en demeure pas moins fidèle à ses engagements.

En vertu d’un accord passé avec Mohamed Morsi, le Qatar, considéré jusque là comme le principal soutien des Frères musulmans, a envoyé une cargaison  de gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Egypte, ce qui en fait la deuxième livraison de ce type ce mois-ci.
L’agence de presse qatarie a ainsi indiqué lundi soir qu’un navire méthanier a appareillé le 9 août du terminal de Ras Laffan, une semaine après la première livraison.
Rappelons qu’en juin dernier, l’émirat a accepté de fournir cinq cargaisons de GNL à l’Egypte en vue de lui permettre de couvrir une partie de ses besoins énergétiques, lesquels augmentent traditionnellement durant l’été.
Une situation qui soit dit en passant confirme les difficultés rencontrées actuellement par Le Caire pour satisfaire sa consommation interne.

Contexte loin d’être anodin …

Il y a quelques jours à peine, je laissais entendre que l’Europe pourrait être l’enjeu final des événements actuels qui secouent l’Egypte. Le tout sous forte odeur de gaz et de pétrole, bien évidemment.
Rappelant que les ressources en hydrocarbures – et le tourisme – constituent les principales richesses du pays … et que de nouvelles découvertes dans des gisements off-shore étaient en train de changer la donne au niveau de l’offre d’hydrocarbures disponible au niveau mondial.
Un immense champ gazier a en effet récemment été découvert dans la partie orientale de la Méditerranéenne, au large de côtes maritimes on ne peut plus sensibles telles que celles d’Israël, de Chypre, du Liban et de l’Egypte.
Des ressources qui devraient permettre à l’Etat hébreu de devenir exportateur de gaz, si l’on en croit les propos de David Stover, haut dirigeant du groupe pétrolier US Noble Energy, principal opérateur du site. Le ministre israélien des Infrastructures nationales Uzi Landau précisant quant à lui que son pays pourrait devenir un exportateur de gaz vers l’Europe.
Mais, les voisins d’Israël ne l’entendent pas de la même oreille. Lesquels comptent bien eux aussi profiter de la manne gazière. En dehors d’Israël et de Chypre, la Turquie, la Syrie, l’Egypte et le Liban souhaitant défendre leur potentiel gazier respectif en Méditerranée.

La Turquie, ancien allié d’Israël, avait quant à elle protesté contre un accord de délimitation des zones économiques exclusives (ZEE)  conclu le 17 décembre 2010 entre Israël et Chypre, destiné à permettre aux deux pays la poursuite des recherches off-shore d’hydrocarbures de part et d’autre.

Le ministre égyptien du Pétrole et des Ressources Minérales, Sameh Fahmi avait pour sa part annoncé au journal égyptien « Al-Masry Al-Youm » étudier « la question de revendiquer la part de l’Egypte dans les gisements de gaz trouvés au large de la côte israélienne ». Le ministre ajoutant par ailleurs que « déja trois autres pays, le Liban, la Turquie et Chypre considèr(ai)ent la possibilité de revendiquer le gaz des gisements exploités par Israël » .

Autre élément notable : jusqu’en 2011 , l’Egypte exportait une part importante de sa production de gaz vers Israël . Certes, si les livraisons de gaz naturel à l’Etat hébreu, conclues du temps du président Hosni Moubarak, renversé en février 2011, étaient très critiquées dans l’opinion et la classe politique égyptiennes, en 2010, l’Egypte fournissait 43% du gaz naturel consommé en Israël, où 40% de l’électricité est produite à partir de cette source d’énergie.  En 2011, suite à de multiples attaques et sabotages du pipeline transportant le gaz vers Israël, les exportations égyptiennes étaient tombées à 9% de la consommation de l’Etat hébreux.

Mais en avril 2012, le chef de la holding gouvernementale égyptienne Egas avait déclaré que l’Egypte allait annuler ses exportations de gaz vers Israël en invoquant le non-respect de certaines clauses du contrat … se tirant en quelque sorte une balle dans le pied.
Dès le lendemain, la ministre de la coopération internationale égyptienne, Fayza Aboul Naga, indiquait toutefois que l’Egypte était disposée à reprendre ses exportations de gaz vers Israël, mais à condition de faire table rase des accords signés sous Moubarak. « Nouveaux contrats, nouveaux prix et nouvelles conditions », avait ainsi indiqué la ministre.
Parallèlement, le ministre de l’électricité, Hassan Younès déclarait que l’Egypte entendait utiliser pour lui-même le gaz qu’il n’exporterait plus vers Israël. « Il sera redirigé vers des centrales électriques égyptiennes ».

A noter parallèlement que si l’Etat hébreu devient exportateur de gaz, les débouchés du gaz égyptien devraient sensiblement se réduire. Au grand dam de la Russie qui redoute que les exportations israéliennes et égyptiennes ne viennent concurrencer ses propres exportations vers l’Europe. Delà à profiter du chaos ambiant pour proposer à l’Etat égyptien d’honorer à sa place ses contrats passés avec les différents pays membres de l’UE, il n’y a qu’un pas … que Moscou a d’ores et déjà franchi.

En avril dernier, le journal russe Ria Novosti indiquait ainsi que le ministre russe de l’énergie Alexander Novak lui avait déclaré que l’Egypte recherchait l’aide du géant gazier russe Gazprom pour l’aider à honorer ses livraisons de gaz vers l’Europe, compte-tenu du déficit de production enregistré dans le pays. Une telle situation étant quasiment idyllique pour la Russie, alors que l’Union européenne tente actuellement de s’affranchir autant que faire se peut de la suprématie gazière russe.
Alexander Novak avait par ailleurs ajouté que l’Egypte était actuellement confrontée à des difficultés pour satisfaire ses contrats d’exportation, en raison des pénuries de gaz sur son marché intérieur.
Le volume de gaz que l’Egypte était censé exporter en vertu d’un contrat pourrait être au final destiné à la consommation intérieure égyptienne, le géant gazier russe « acceptant » de satisfaire le contrat conclu entre la partie égyptienne et ses clients européens via un accord de swap. Une manière détournée pour Moscou d’accroître ses livraisons de gaz vers l’UE, alors que cette dernière tente de trouver d’autres sources d’approvisionnement.

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 20 août 2013

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