Quand la Suisse redoute une crise alimentaire ou le marché florissant des terres cultivables …

Qui l’eût cru, la nation à l’origine du géant planétaire Nestlé s’inquiète d’une possible crise alimentaire sur son territoire d’ici quelques années.

Markus Ritter, le président de l’Union suisse des paysans (USP) redoute à terme des difficultés d’approvisionnement de la population suisse en denrées alimentaires.  Une situation qui le cas échéant aurait des conséquences alourdies par l’absence de stratégie en la matière.

Rappelant qu’en 2050, neuf milliards de personnes vivront sur la Terre, Markus Ritter redoute que toute la population mondiale ne puisse être nourrie à cette date. La Suisse pourrait faire partie des « déshérités », ne disposant d’un taux d’auto-approvisionnement que de 54%.

Dans une interview publiée par la « Zentralschweiz am Sonntag », le président de l’USP exhorte le Conseil fédéral à indiquer comme évoluera le domaine de denrées alimentaires pour les prochaines décennies, et les adaptations prévues par la Suisse en vue de faire face aux difficultés prévisibles.

S’il considère que l’agriculture helvétique ne peut être intensifiée davantage, le président de l’USP propose que soient conclus des accords avec des pays disposant de beaucoup de terres cultivables et auprès desquels la Suisse pourrait s’approvisionner en cas de crise. Selon lui, le Brésil ou la France seraient des candidats potentiels pour de tels contrats.

Alors que certains groupes internationaux se ruent d’ores et déjà sur toutes les surfaces disponibles de la planète, Markus Ritter trouve le procédé quelque peu immoral.

Pourtant, un rapport de l’ONU datant de mars 2010 indiquait déjà à cette date, que « depuis 2006, entre 15 et 20 millions d’hectares de terres agricoles » avaient « fait l’objet de transactions ou de négociations » entre les pays en développement et des investisseurs étrangers ». Une surface correspondant à la totalité des terres agricoles de la France et au cinquième de celle de l’Union européenne.
Le rapport rappelant par ailleurs que ces dernières années, une société indienne, Varun International, avait loué 465 000 hectares de terres à Madagascar pour cultiver du riz destiné au marché indien. Au Mali, les autorités ont concédé quant à elles 100 000 hectares aux Libyens, également pour la production de riz.

Au Soudan, la Corée du Sud a acquis 690 000 hectares en vue d’y produire du blé. La Chine prévoit pour sa part de créer en République démocratique du Congo  la plus grosse plantation de palmiers à huile du monde sur des centaines de milliers d’hectares….
Une pression foncière qui s’exerce en tout premier lieu en Afrique subsaharienne, notamment au Cameroun, en Éthiopie, au Ghana, à Madagascar, en Tanzanie, au Soudan, ces pays étant dotés d’une main-d’oeuvre peu coûteuse et de prix au mètre carré peu élevé. L’Europe de l’Est, l’Asie et l’Amérique latine sont également concernés, ainsi que le Brésil, le Cambodge, l’Ukraine, les Philippines ou le Pakistan.

Au final, des contrats négociés entre les multinationales ou les États et les autorités locales portent sur des acquisitions ou des locations de surfaces de plusieurs milliers d’hectares, et sur de longues périodes.

Une course aux surfaces cultivables qui s’est intensifiée après la flambée des prix des denrées alimentaires observée en 2007-2008. « Les pays pauvres en ressources, mais riches en réserves monétaires, se sont alors tournés vers l’acquisition ou la location de terres à grande échelle pour assurer leur sécurité alimentaire, insiste le rapport de l’ONU. Des investisseurs privés, y compris d’importants fonds d’investissement, ont ensuite acheté des terres pour des raisons purement spéculatives, convaincus que le prix du mètre carré continuerait d’augmenter. »

De plus, dans de nombreux pays, les agriculteurs ne détiennent pas de titres de propriété. De ce fait, quand l’État les exproprie, alléché par les royalties offertes par les investisseurs étrangers, leurs intérêts ne peuvent être défendu en justice.

Dotée de 15 millions d’hectares de terrains agricoles se vendant en moyenne 2 000 euros l’hectare, la Roumanie attire pour sa part de nombreux agriculteurs. D’autant plus que de nombreuses parcelles sont depuis longtemps au repos, n’ayant guère été exploitées après la chute de Ceaucescu en 1989. Autre élément notable : le pays bénéficie de subventions de Bruxelles. Incitant des milliers d’agriculteurs occidentaux – Français, Suisses, Allemands, Italiens, Néerlandais, Autrichiens, Britanniques et même Danois – à prendre d’assaut les surfaces agricoles du pays.

Conformément au traité d’adhésion signé avec l’UE, la Roumanie devra, à partir de 2014, permettre à tout citoyen européen d’acheter des terres agricoles. Il ne sera plus alors plus nécessaire de créer une société sur place.

Sources : AFP, ONU, La Croix, Le Monde

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com  – 02 aout 2013 –


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