Quand le Cice déchire toujours le Parti socialiste

Claude Bartolone, le président (PS) de l’Assemblée nationale, souhaite réorienter le Crédit impôt compétitivité emploi (Cice). « On ne peut pas dire aux Français : ‘on demande un effort de 40 milliards pour permettre l’investissement et l’emploi’ et s’il n’y a pas de résultats dire ‘eh bien ça n’a pas marché’. La loi est faite pour être changée si on n’obtient pas les résultats visés », a-t-il déclaré jeudi 25 mai au micro de RMC.

Cette sortie médiatique vient relancer le débat sur l’efficacité ou non de la politique de l’offre menée depuis 2013 par François Hollande. Sur ce point, l’Insee dans sa dernière note de conjoncture a apporté quelques réponses allant dans le sens du Président. Outre la prévision de croissance de 1,2% pour 2015, l’institut de statistiques français a entériné la pertinence du Cice, mis en place suite aux conclusions du rapport Gallois sorti fin 2012. « La note de conjoncture de l’Insee conforte notre politique. Elle révèle que le taux de marge des entreprises devrait progresser de 2 points en 2015, alors qu’il a baissé de 3 points entre 2007 et 2012, s’exclame un conseiller de Michel Sapin, le ministre de l’Economie. Comme celle de l’Insee, nos estimations montrent que le Cice a préservé des dizaines de milliers d’emplois l’année dernière. Sans notre politique de soutien aux entreprises, la dégradation du marché du travail aurait été encore plus forte ».

De fait, selon l’Insee, 80.000 postes seraient préservés en 2015 grâce au Cice. De plus, « l’accélération de l’activité et les politiques d’enrichissement de la croissance en emplois stimuleraient l’emploi, qui serait fin 2015 rehaussé de 114.000 postes par rapport à fin 2014 », écrivent les statisticiens dans la note de conjoncture de juin. Et de poursuivre: «  la hausse attendue de l’emploi au second semestre serait suffisante pour stabiliser le chômage à 10,4%, son niveau de mi-2015 et de fin 2014. Le chômage pourrait même baisser si le découragement des chômeurs seniors perdure.« 

Les frondeurs demandent une réorientation du Cice vers les ménages

De quoi en boucher un coin aux frondeurs du PS qui n’ont eu de cesse depuis le début du quinquennat de critiquer les choix économiques du président de la République. Utilisant les mauvais chiffres de la croissance en 2013 et 2014, ils réclament depuis deux ans une réorientation de la politique économique pro-entreprise vers les ménages. « Pas plus qu’il n’y aura de croissance sans soutien au pouvoir d’achat, il n’y aura de croissance sans investissements publics », soutenaient-ils en avril 2014 dans un texte commun intitulé « l’appel des 100 ». Et d’ajouter : « On peut faire mieux avec moins, en ciblant l’industrie, en obtenant des contreparties sérieuses et précises en matière d’investissement (…) Nous proposons de ramener l’enveloppe Cice/Baisse des cotisations à 20 milliards au lieu des 30 prévus. »

Ces arguments ont été repris ensuite par les signataires de la motion B qui a recueilli 30% des voix lors du vote pour le congrès de Poitiers, fin mai dernier. « On ne peut plus continuer à déverser des milliards d’euros dans les comptes des entreprises sans ciblage ni conditionnalité. Toutes les aides directes et crédits d’impôts doivent être évalués d’urgence avant cet été, en amont du projet de loi de finances 2016 », peut-on lire dans cette motion, emmenée par Christian Paul, député PS frondeur de la Nièvre. Et d’ajouter : « L’utilisation des 10 milliards d’euros prévus par le Pacte de responsabilité en 2016 et des 5 milliards prévus en 2017 doit être rediscutée dès à présent pour engager un cercle vertueux d’investissements publics permettant à la fois de répondre à des besoins essentiels comme le verdissement de notre économie, les besoins en logements ou l’amélioration des réseaux de transports tout en étant fortement pourvoyeur d’activité et d’emplois. »

Jeu de dupes entre les frondeurs et le gouvernement

Cette pression des frondeurs avait poussé Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire du PS élu fin mai dernier, a effectué une synthèse d’équilibriste pour rédiger la Motion A. Pour ce faire, il a rallié Martine Aubry, la maire de Lille proche des frondeurs, à sa cause. Mais en échange de son soutien, l’ancienne ministre du Travail a obtenu la remise en cause du Cice. Son exigence principale: réaliser une évaluation des effets de ce crédit d’impôt avant le vote du budget 2016 en novembre prochain. Ce à quoi, Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie et président du comité de suivi du Cice répond: «  Nous ne serons capables d’étudier les effets du Cice qu’à l’été 2016. » Par ailleurs, le texte de la motion A propose que « les 15 milliards du Pacte qui restent à utiliser devraient dorénavant l’être plus directement pour favoriser l’emploi, l’investissement privé productif et les investissements publics. » 

Le plus cocasse, c’est que les membres du gouvernement ont signé le texte, dont le Premier ministre, Manuel Valls. Ce qui a fait dire à Christian Paul que les frondeurs n’ont pas gagné la bataille des urnes mais celle des idées. Une fanfaronnade que les chiffres de l’Insee viennent mettre à mal. Fort de ces bons résultats, le gouvernement devrait tenter de clore le débat. Et poursuivre sur le chemin du social-libéralisme axé sur une politique de l’offre.

 

 

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