Salon de Farnborough : Boom, le dernier des Mohicans du supersonique

Alors que les projets concurrents, comme Aerion, se sont effondrés, la start-up Boom Supersonic poursuit le développement de son jet Overture, dont Safran va concevoir le train d’atterrissage. Une version militaire, en coopération avec Northrop Grumman, est même prévue.

Avec la liquidation d’Aerion en 2021, pourtant soutenu par Lockheed Martin, Boeing et GE Aviation, Boom se retrouve un peu seul sur le créneau du supersonique. Pas de quoi effrayer Blake Scholl, qui peut compter sur le soutien de gros bonnets du secteur. Boom avait déjà frappé fort en obtenant, en juin 2021, un engagement d’achat de la compagnie américaine United pour 15 appareils, plus 35 en option. La start-up multiplie désormais

Jeter l’éponge ? Pas le style de Blake Scholl. Malgré le choc de la pandémie de Covid, et la vague de disparition de projets d’avions supersoniques, qui a notamment emporté le favori Aerion, le fondateur de Boom Supersonic n’a rien perdu de son légendaire enthousiasme. Dans une salle de conférences bondée au cœur du salon de Farnborough, la start-up de Denver (Colorado) a dévoilé, mardi 19 juillet, le design définitif de son jet Overture, qui se veut le premier appareil supersonique civil depuis le Concorde. Cet avion de 65 à 80 passagers, capable de voler à Mach 1,7 (2.100km/h) et facturé 200 millions de dollars, sera équipé de quatre moteurs, avec des ailes aux courbures très caractéristiques, poétiquement surnommées « ailes de mouette ». « Comme si le Concorde et le 747 avaient eu un bébé », résume Blake Scholl. L’avionneur affirme avoir testé 51 designs différents et réalisé 26 millions d’heures de simulation pour aboutir à ce design définitif.

Le jet Overture atteindrait la vitesse de Mach 1.7 Crédit : Boom Supersonic

Le jet Overture doit atteindre la vitesse de Mach 1.7 (Boom Supersonic)

Avec la liquidation d’Aerion en 2021, pourtant soutenu par Lockheed Martin, Boeing et GE Aviation, Boom se retrouve un peu seul sur le créneau du supersonique. Pas de quoi effrayer Blake Scholl, qui peut compter sur le soutien de gros bonnets du secteur. Boom avait déjà frappé fort en obtenant, en juin 2021, un engagement d’achat de la compagnie américaine United pour 15 appareils, plus 35 en option. La start-up multiplie désormais les partenariats prestigieux pour faire embarquer les géants du secteur sur son projet. Selon le schéma annoncé à Farnborough, le français Safran va développer le train d’atterrissage de l’appareil. Le géant Collins Aerospace va aussi embarquer sur Overture, pour lequel il concevra et testera des systèmes-clés (lutte contre le givre…).

Catastrophe environnementale ?

Reste la grande question : quand volera l’appareil ? Boom annonçait en 2017 des premiers vols commerciaux en 2023. Ce sera finalement, au mieux, six ans plus tard. Selon le calendrier dévoilé le 19 juillet, la start-up va entamer la construction de son usine de Greensboro (Caroline du Nord) d’ici à la fin de l’année. La production, sur ce site capable d’assembler 65 avions par an, devrait débuter en 2024. Le premier exemplaire d’Overture sortirait d’usine en 2025, pour un premier vol en 2026 et une entrée en service en 2029. L’appareil volerait sous la vitesse du son (Mach 0,94) au dessus des terres, et passerait en supersonique au dessus des océans, permettant de relier Paris à New York en 3h30. « Le monde n’a jamais eu autant besoin de supersonique », veut croire Blake Scholl.

Blake Scholl devant le prototype XB-1 Crédit : Boom Supersonic

Blake Scholl devant le prototype XB-1 (Boom Supersonic)

Les critiques ne manquent pourtant pas sur le projet de Boom, et plus généralement sur les appareils supersoniques. Ces avions seraient trop chers, à l’achat comme en maintenance, trop bruyants, pas adaptés au marché, difficilement certifiables, et surtout bien trop polluants. La réponse de Blake Scholl n’a pas varié depuis le lancement de la société : ces limites, réelles du temps du Concorde, peuvent désormais être dépassées. L’impact environnemental de l’appareil peut ainsi être drastiquement contenu, estime le fondateur de Boom. L’appareil sera, dès son entrée en service, 100% compatible avec les carburants durables (SAF, ou Sustainable aviation fuel). Une réponse très partielle : les SAF sont encore très chers, ce qui impacterait lourdement le prix du billet, et disponibles en quantité très limitée, faute de filières efficaces.

Autre faiblesse, fâcheuse, de Boom : la start-up n’a, pour l’instant, pas annoncé son choix de moteur. Or un moteur supersonique civil ne se trouve pas au coin de la rue : le dernier, l’Olympus 593 du Concorde, a été développé il y a 55 ans. Boom aurait confié une étude au britannique Rolls-Royce, mais ce dernier n’a pas lancé de programme à proprement parler. Une autre solution serait de taper à la porte de l’américain GE, qui avait entamé le développement d’un moteur, Affinity, pour Aerion. Mais GE Aviation a arrêté les travaux sur ce réacteur en 2021, suite à la faillite de son partenaire. Interrogé, Blake Scholl assure que le groupe a fait de gros progrès récents sur le sujet de la propulsion, mais qu’il ne peut pas encore les dévoiler.

Le géant américain va étudier de possibles versions militaires du jet supersonique Overture de Boom Crédit : Boom Supersonic / Northrop Grumman

Le géant américain Northrop Grumman va étudier de possibles versions militaires du jet supersonique Overture de Boom (Boom Supersonic / Northrop Grumman)

Versions militaires

Boom peut en tout cas compter sur un nouveau soutien de poids. Le géant de l’armement Northrop Grumman a officialisé ce 19 juillet un partenariat avec la start-up, dont il pourrait développer une version militaire. « Nous allons pouvoir proposer des versions adaptées aux missions où la vitesse est essentielle », résume Tom Jones, président de l’activité aéronautique de Northrop Grumman. Parmi les cas d’usage évoqués, les vols de surveillance nécessitant une réaction rapide, les vols médicaux d’urgence ou le transport de troupes. Boom avait également signé, en janvier dernier, un partenariat stratégique avec l’US Air Force.