Le ministère chargé du Logement a présenté début mars un programme de réformes destiné à restaurer la fiabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE). Souvent mis en cause pour des résultats trompeurs et des pratiques irrégulières, cet outil central des politiques de rénovation énergétique fait l’objet de plusieurs ajustements réglementaires et techniques. Trois d’entre eux suscitent aujourd’hui l’incompréhension ou la colère des professionnels :
- Délai repoussé pour l’intégration des QR codes
Initialement fixé au 1er octobre 2025, le déploiement de QR codes sur chaque certificat de DPE a été reporté à fin 2025, voire début 2026. Le calendrier a été bouleversé par un retard dans la sélection du prestataire chargé de refondre l’annuaire de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Sans cet annuaire modernisé, la génération des codes d’authentification reste impossible. Lors d’une réunion mi-juillet, les organes certificateurs ont appris que les nouvelles échéances retenues sont désormais fin décembre 2025, avec une marge d’incertitude jusqu’à début 2026. Contrairement aux annonces initiales, aucune communication officielle n’a été prévue pour informer les diagnostiqueurs de ce second report. Face à l’absence de QR codes, plusieurs organismes encouragent les professionnels à alerter leurs clients sur l’indisponibilité temporaire de cet outil de vérification.
- Affichage différé de la note du DPE : un changement technique jugé irréaliste
À partir de décembre 2025, l’administration souhaite que la note énergétique (de A à G) ne soit consultable qu’après le départ du diagnostiqueur. L’objectif consiste à éviter toute tentative de pression du client en faveur d’une meilleure évaluation. Pour cela, les éditeurs de logiciels DPE devront programmer un décalage dans l’affichage du résultat. Mesure coercitive et techniquement complexe, cette modification soulève plusieurs objections :
- Difficultés de mise en œuvre : les développeurs pointent l’incompatibilité de ce décalage chronologique avec les fonctionnalités existantes, notamment l’affichage de scénarios de travaux et de simulations de gains énergétiques.
- Respect des délais : en raison de la banque de données à mettre à jour et des tests indispensables, la date de prise d’effet paraît intenable.
- Risque d’effets pervers : certains craignent que l’absence d’une restitution immédiate ne nuise à la pédagogie du DPE, réduit à un simple document administratif.
Les représentants des éditeurs et de la fédération Sidiane ont multiplié les échanges avec le cabinet ministériel pour proposer des solutions plus souples. Parmi les pistes évoquées, l’utilisation d’une double interface numérique, où la note serait masquée sur la version remise au client puis rendue automatiquement visible vingt-quatre heures après. Les discussions, toujours en cours, viseraient à ajuster le dispositif sans remettre en cause l’objectif de transparence.
- Plafonnement du volume annuel de DPE par diagnostiqueur
Un arrêté publié fin juillet introduit un seuil de 1 000 DPE par professionnel pour une période glissante de douze mois. Toute personne réalisant plus de ce nombre de diagnostics de maisons ou d’appartements individuels se verrait immédiatement suspendre son habilitation, sauf justification validée par l’administration. Cette limite correspond à une moyenne de quatre diagnostics par jour ouvré.
Le calcul exclut les DPE collectifs et ceux générés automatiquement à partir d’un audit de bâtiment. Entrant en vigueur le 1er octobre 2025, cette mesure a déclenché des réactions contrastées :
- Soutien modéré : la fédération Fed Experts estime nécessaire un « garde-fou » afin de détecter les pratiques industrielles suspectes. Les syndicats soulignent cependant la crainte d’une inflation des tarifs pour compenser les volumes refusés.
- Acceptation prudente : Sidiane juge le chiffre de 1 000 raisonnable, à condition d’évaluer son application au fil des premières semaines.
- Contestation frontale : la Chambre des diagnostiqueurs considère cette contrainte comme une atteinte aux libertés individuelles et envisage un recours judiciaire. Ses représentants redoutent une concentration du marché entre les plus gros opérateurs capables d’absorber les suspensions.
En parallèle de ces trois mesures controversées, le ministère du Logement soutient la création d’un ordre des diagnostiqueurs. Cet organisme disciplinaire procurerait à la profession un cadre de régulation interne, avec des sanctions graduées et un contrôle déontologique renforcé. Accueillie favorablement par une majorité d’acteurs, cette proposition pourrait constituer, selon eux, un levier efficace contre les dérives observées ces dernières années.
Avec l’entrée en vigueur progressive de ces mesures, l’année 2026 apparaît déterminante pour juger de leur efficacité. Les professionnels de la filière scruteront également la capacité de l’administration à accompagner techniquement ces changements, notamment par la mise à disposition d’outils de formation et de supports pédagogiques.