BofA Securities prévoit une modération plus rapide que prévu de l’inflation

« L’inflation va continuer de baisser ». Candace Browning, à la tête de la recherche de BoA Securities, la branche d’investissement de la banque américaine Bank of America, est catégorique. Dans le résumé qu’elle fait chaque week-end, pour ses clients, des informations qu’il ne fallait pas surtout pas manquer au cours de la semaine, cette banquière, dont l’analyse compte en Bourse, est revenue sur une étude que son équipe d’analystes « data » avait publiée quelques jours plus tôt et selon laquelle l’inflation mondiale va retomber à 5,4% au premier trimestre 2023, avant 2,7% sur le dernier quart de l’année prochaine, contre 8,6% au deuxième trimestre de cette année. BofA Data Analytics prévoit « une modération plus rapide que prévu de l’inflation » mondiale, impliquant, pour les Etats-Unis, un indice des prix « globalement conforme au mandat de 2% de la Fed d’ici à la fin de 2024. »

Pour en arriver à cette conclusion, les analystes de la banque se sont appuyés sur 37 indicateurs avancés, couvrant plusieurs économies, allant du fret poids lourds aux Etats-Unis à l’automatisation des usines japonaises.

« Au niveau mondial, le nombre d’indices [d’activité] PMI manufacturiers qui sont encore en territoire d’expansion a plongé d’une proportion de 85% en juin (soit 35 pays sur 41) à 61% maintenant (soit 25 pays sur 41) », constatent les analystes, dans leur point mensuel sur la question. L’activité économique mondiale se contracte, il y a un affaiblissement de la demande à cause de l’envolée des prix, les pressions sur l’offre se relâchent.

Moins de pression sur l’approvisionnement

Sur les 37 indicateurs, 49% vont clairement dans le sens d’un apaisement des tensions inflationnistes, tandis que 24% envoient un signal neutre. La proportion des indicateurs haussiers est tombée à 27%, contre environ 80% en mai 2021 et 50% en mars. « Les tensions sur l’offre montrent des signes d’assouplissement, avec une baisse de l’indice qui mesure les pressions sur la chaîne d’approvisionnement mondiale et une amélioration des délais de livraison des fournisseurs dans l’industrie manufacturière », résume Candace Browning.

L’indice, qui mesure, aux Etats-Unis, la demande de fret par camions à un horizon de trois mois maximum (construit à partir d’une enquête menée par BofA Securities auprès de transporteurs) « se situe en dessous du niveau moyen de récession après avoir atteint son plus bas niveau depuis mai 2020 il y a quinze jours. » En Europe, les taux de fret maritime continuent de baisser malgré les congestions dans les ports. Il y a désormais trop de stocks. « Des stocks qui sont arrivés trop tard ou qui sont considérés comme excessifs face au ralentissement de la demande des consommateurs », expliquent les analystes de la banque.

L’occasion de la publication des comptes trimestriels par les entreprises a donné à voir une « augmentation significative » du nombre de mentions « affaiblissement de la demande » dans les discours des patrons. Les données logées dans les cartes de crédit de Bank of America vont également en ce sens. Lors des conférences téléphoniques de présentation des résultats du deuxième trimestre, il est également ressorti « un nombre de mentions ‘stocks excessifs’ à leur plus haut niveau depuis plusieurs années. » Résultat ? « Le pourcentage d’articles en solde sur les sites de vente de vêtements est maintenant supérieur aux niveaux de 2019 », constate-t-on chez BofA Securities. Et « bien que les stocks de voitures neuves soient à peine sortis du creux de la vague, nos analyses de données indiquent que les prix des camionnettes d’occasion sont désormais stables en glissement annuel. »

Les prix de l’énergie témoignent également d’une accalmie, constatent les analystes de la banque. « Des années de sous-investissement ont été aggravées par l’interdiction des importations d’énergie russe par l’Occident ainsi que par des vagues de forte chaleur dans le monde entier, ce qui a fait grimper les prix du pétrole et du gaz avant que les prix ne refluent un peu depuis mai face au risque croissant de récession. [Mais] l’inflation de l’énergie pourrait diminuer de manière significative dans les mois à venir en l’absence de nouveaux problèmes d’approvisionnement. »

Vers une baisse des loyers ?

Une autre bonne nouvelle, qui vient confirmer la thèse selon laquelle le pic de l’inflation est passé, est à chercher du côté du marché de l’immobilier. « La flambée des taux hypothécaires (environ 5% actuellement, contre 3,1% fin 2021) a ramené l’accessibilité à son plus bas niveau depuis 2006 et a évincé de nombreux acheteurs du marché, ce qui, avec la chute de la confiance des consommateurs, a entraîné une modération considérable de la demande. » Les analystes prévoient « une pause sur le marché du logement qui pourrait s’étendre jusqu’en 2023, ce qui exerce des pressions à la baisse sur la composante ‘logement’ de l’indice des prix américains [IPC] en glissement annuel. L’équivalent loyer des propriétaires est peut-être aujourd’hui l’une des plus grandes préoccupations des décideurs. Cette composante, qui représente près d’un quart (24%) du panier de l’IPC américain, augmente rapidement et fortement. Toutefois, le retournement de l’indice des loyers Zillow [à partir des annonces publiées sur le site qui donne son nom à l’indice], qui devance l’IPC des d’environ six mois en glissement annuel, apporte un certain réconfort. »

« Liste de courses »

Bank of America Securities entrevoit également une moindre pression à venir sur le marché de l’emploi qui, bien qu’il reste à l’heure actuelle « tendu » (avec des salaires qui, par conséquent, augmentent, ce qui fait peser un risque d’inflation auto-alimentée), cela pourrait ne plus durer encore longtemps : « Il est intéressant de noter que les nouvelles offres d’emploi pour les entreprises du S&P 500 ont progressivement diminué depuis octobre dernier. »

Bien que la Fed, la banque centrale américaine, reste engagée à relever les taux d’intérêt, Bank of America Securities se projette déjà, au vu de l’accalmie sur les prix, au moment où elle assouplira à nouveau sa politique monétaire, « ce qui, selon les économistes de la banque, se produira au second semestre de l’année prochaine. » Aussi, « il n’est pas trop tôt pour établir une sorte de liste de courses » pour commencer à se positionner. « Il est intéressant de noter que les secteurs de la consommation surperforment avant même que la Fed ne commence à réduire ses taux. »  Parmi les entreprises qui, en Bourse, devraient en profiter, BoA Securites cite Starbucks, Lululemon, Harley Davidson, Home Depot, Lowes, Floor & Décor et D.R. Horton’s.