Vous vous souvenez sans doute de Bernard Madoff ? En 2009, ce financier new-yorkais a été condamné à cent cinquante ans de prison, le maximum prévu par la loi américaine. Il a escroqué des millions d’épargnants, pour un montant estimé à 65 milliards de dollars, et notamment plusieurs milliers de Français, qui avaient souscrit, à travers les fonds de leurs banques, son placement « miracle ». Sa technique ? La pyramide de Ponzi (du nom de son inventeur, en 1920), qui consiste à assurer des rendements aux premiers clients en puisant dans l’épargne des derniers arrivés.
Jusqu’à +30% annoncés
En France, des Madoff, la justice en compte une bonne vingtaine ! On peut même dire que ses prétoires en sont pleins. En janvier, on trouvait ainsi deux « petits Madoff » à Laval, pincés après avoir promis des gains rapides à une trentaine de victimes. Il existe aussi un « Madoff de Quimper » : ancien pourfendeur des « abus bancaires », Jean-Jacques Defaix a poussé quelque 3.000 personnes à investir plus de 34 millions d’euros dans 80 « coopératives de croissance » et dans des petites entreprises aujourd’hui disparues…
Et un autre dans le Var. Fabrice Denizet roulait en Porsche et passait ses vacances à Miami, grâce aux 38 millions d’euros que lui avaient confiés ses « clients », attirés par des rendements allant jusqu’à 30%. Leurs dépôts servaient en réalité à payer les traites de ses maisons en Floride, à Nice et dans les Alpes, de ses voitures de luxe et… de son yacht, amarré à Hyères.
Il existe même un « Madoff de la crevette » : le Franco-Américain Mike Layani aurait « pu vendre la tour Eiffel à un ferrailleur », selon une de ses victimes. Il a convaincu entre 120 et 150 Toulousains d’investir dans des fermes de crustacés au Brésil avec des gains de 20% par an. En réalité, les 16 millions récoltés ont disparu dans la nature…
Plus sophistiqué, Jean-Pierre Nitkoski dirigeait une société financière, baptisée Exelyum, basée aux Seychelles, mais ayant pignon sur rue à Paris, Monaco et Londres. La société n’avait pas les agréments nécessaires, mais faisait miroiter des rendements de 1,5% par mois (soit près de 20% par an). Près de 600 victimes ont perdu autour de 35 millions d’euros. Et comme pour les autres affaires, un système apparemment – l’enquête n’est pas close – « à la Madoff ».
Si le nombre des escroqueries a crû de plus de 50% en dix ans, les sommes en jeu ont, elles, été multipliées par quatre. Plus nombreuses, mais aussi plus graves, ces affaires préoccupent évidemment les autorités, qui arrivent souvent, comme la cavalerie, après la bataille.
Un arsenal répressif étoffé
Pourtant, l’arsenal répressif s’est largement étoffé. L’Autorité des marchés financiers, l’AMF, est aujourd’hui nettement mieux armée pour intervenir. Chaque mois, elle publie ainsi une liste des sociétés proposant des placements bidons ou n’ayant pas d’agrément pour faire appel à l’épargne publique et de sites étrangers proposant de spéculer sur les changes et, surtout, sur les options « binaires », des instruments financiers qui attirent beaucoup de jeunes en leur faisant miroiter des profits pouvant aller jusqu’à 85% en quelques heures.
Actuellement se déroule à Paris le procès d’une affaire impliquant un des plus gros narcotrafiquants mexicains, Joaquin « El Chapo » Guzman : son site, Finanzas Forex, domicilié à Panama, aurait fait plusieurs milliers de victimes françaises.
Pourquoi y a-t-il autant d’affaires ? Première explication : il en sort davantage au grand jour, car les victimes ont de moins en moins honte de porter plainte. Il est vrai qu’avant, les sommes investies n’étaient pas forcément déclarées et qu’aujourd’hui, l’argent noir est plus rare… Deuxième explication : la baisse de la rentabilité des placements. Natalie Lemaire, directrice des relations avec les épargnants à l’AMF, en est persuadée : « La chute des rendements des produits de l’épargne rend les investisseurs plus réceptifs aux propositions commerciales alléchantes. »
Comment résister, par exemple, à la fierté de posséder un parchemin précieux, le manuscrit d’un grand poète, la lettre d’un homme d’Etat célèbre ou la partition d’un musicien renommé ? Surtout quand le tout est assorti, assure-t-on, d’un rendement de plus de 7% ? C’est le panneau dans lequel sont tombés 18.000 épargnants, qui ont souscrit un des produits proposés par la société Aristophil. Gérard Lhéritier, son créateur, a ainsi réussi à attirer plusieurs centaines de millions d’euros d’épargne. Grâce à cet argent, il menait grand train, attirant le Tout-Paris à ses fêtes : Valéry Giscard d’Estaing, Eric-Emmanuel Schmitt, Patrick Poivre d’Arvor…
L’épargne collectée servait bien à acheter des manuscrits de personnalités célèbres. Le hic, c’est que les intermédiaires (presque toujours les mêmes) ont un peu forcé sur la note : un manuscrit de 54 pages, dans lequel Albert Einstein évoquait la théorie de la relativité, acheté 559.000 dollars a été revendu… 28,5 millions d’euros aux épargnants d’Aristophil. L’avocat de Gérard Lhéritier, maître Francis Triboulet, affirme que les prix ne sont pas surévalués. Mais la collection, qui avait été estimée par la Lloyd’s de Londres à plus de 500 millions d’euros, pourrait bien valoir deux ou trois fois moins.
L’agrément Orias
Comment se prémunir contre ses arnaques ? En faisant appel à son bon sens et en creusant le discours. S’il s’agit d’une personne s’affirmant conseil en gestion de patrimoine, mieux vaut s’enquérir de son assurance responsabilité civile et contacter l’Orias, afin de vérifier son agrément. Pour un site, s’assurer sur Amf-france.org qu’il n’est pas sur liste noire. Enfin, se méfier des promesses. Car comme le rappelle Natalie Lemaire, « les épargnants doivent s’alarmer dès qu’on leur propose des gains élevés sans évoquer les risques ».