La Grèce souhaite voir transiter par son territoire le trajet du pipeline Russie-Turquie vers l’UE

Impact on ne peut plus important à prévoir sur la plan géopolitique … mais également financier. L’un allant rarement sans l’autre. La Grèce compte bien tirer partie de sa position stratégique sur la route des pipelines entre la Russie et l’Union européenne. Et elle le fait savoir … histoire très certainement de voir diminuer les critiques les plus acerbes à son encontre, alors même qu’elle pourrait très rapidement se retrouver en défaut de paiement. Vous avez dit chantage ? A moins qu’il ne s’agisse que de moyens de pression ?

Quoiqu’il en soit, à la suite d’une visite à Moscou, le ministre grec de l’Energie Panagiotis Lafazanis a indiqué que la Grèce montrait un vif intérêt au prolongement sur son territoire du nouveau gazoduc que le géant gazier russe Gazprom envisage de construire à destination de la Turquie. Les responsables russes en ont d’ores et déjà été informés.

« Nous considérons que le prolongement sur le territoire grec du gazoduc, sur la base de la loi grecque et de la réglementation européenne, sert notre intérêt national, » a ainsi déclaré le ministre.

Rappelons que Gazprom ambitionne de mettre en service dès la fin 2016 un nouveau pipeline à destination de la frontière gréco-turque, projet qui devrait notamment permettre de compenser l’abandon du projet South Stream vers l’Union européenne.

En février dernier, le conseiller diplomatique du chef de l’Etat russe Iouri Ouchakov avait déclaré que le président russe Vladimir Poutine et le nouveau premier ministre grec Alexis Tsipras avaient examiné par téléphone la situation en Ukraine et la décision récemment prise par Moscou d’abandonner le projet de gazoduc South Stream. Un dossier qui concerne l’Union européenne toute entière … sa dépendance énergétique étant en jeu. L’Ukraine pesant fortement dans la bataille.

Si certes Vladimir Poutine a de nouveau félicité le parti Syriza à l’occasion de sa victoire aux élections, tout en félicitant personnellement Alexis Tsipras « à l’occasion de son entrée en fonction », le Président russe avait alors invité son interlocuteur à effectuer une visite en Russie. Avec en ligne de mire : le projet du gazoduc on ne peut plus stratégique.

C’est par ailleurs lors d’une visite en Turquie, qu’au début du mois de décembre 2014, le président russe a annoncé l’abandon de South Stream, évoquant une nouvelle alternative de rediriger le gazoduc en cours de construction vers le territoire turc. « South Stream, c’est terminé », a ainsi déclaré lundi 1er décembre 2014 le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, au cours de la visite de Vladimir Poutine.

Rappelons qu’initialement, South Stream devait relier la Russie à l’Italie en passant sous la Mer Noire … scénario qui permet d’éviter l’Ukraine par où transitent aujourd’hui près de la moitié des livraisons russes à l’Union européenne. Car le conflit ukrainien constitue le nerf de la guerre qui opposent actuellement Msocou et Bruxelles. Réagissant à la position de la Russie envers l’Ukraine, la Commission a ainsi  estimé que le projet de pipeline ne respectait pas les règles européennes, arguant du fait que Gazprom refuse d’ouvrir l’accès du gazoduc à d’autres fournisseurs.

Vladimir Poutine a quant à lui justifié l’arrêt de South Stream par l’opposition de l’Union européenne (UE) au passage du gazoduc sur le territoire de ses Etats membres, notamment la Bulgarie. Rappelons que durant l’été 2014, Bruxelles avait exercé de fortes pressions sur Sofia afin que le gouvernement bulgare renonce aux premiers travaux de construction de gazoduc. « Nous allons dérouter nos ressources énergétiques vers d’autres régions du monde et l’Europe ne recevra plus les mêmes volumes de la Russie, mais c’est le choix de nos amis européens », avait alors souligné le président russe.

Au final, au début du mois de décembre 2014, Moscou et Ankara ont signé un accord pour la construction d’un nouveau pipeline  reliant les deux pays via la Mer noire , et la mise en place d’un hub gazier …. à la frontière en Grèce et Turquie, tout en offrant au gouvernement turc une remise de 6 % sur ses approvisionnements en gaz. La Grèce devenant ainsi dans ce scénario un pays stratégique pour permettre le transit du gaz vers l’Union européenne … la Turquie étant  quant à elle le deuxième client de Gazprom derrière l’Allemagne. Avec un enjeu associé et non des moindres : « nullifier » le rôle de l’Ukraine en tant que transit gazier entre la Russie et l’Union européenne, selon les termes mêmes employés par Alexei Miller en décembre 2014.

En janvier 2015, Moscou a tenu à préciser que le nouveau projet Turkish Stream de Gazprom prévoyait de déployer le pipeline jusqu’à la frontière gréco-turque, charge restant aux Européens de créer les infrastructures en vue de récupérer le gaz au delà de ces limites.

Face aux risques que la Commission européenne ne s’avère réticente quant à un possible transit du gazoduc via la Grèce, M. Lafazanis a estimé que l’isolement énergétique de la Russie n’était pas un développement positif pour l’Europe . Selon lui, les pays européens ont besoin du gaz russe, aucune solution alternative n’étant envisageable à ses yeux.

Enfin, le ministre de l’Energie a également annoncé avoir obtenu à Moscou l’engagement que de grandes entreprises russes allaient participer à un appel d’offre pour la recherche et l’exploitation de pétrole et de gaz en mer Ionienne et en Crète.

Sources : AFP, sputniknews.com, Le Monde, themoscowtimes.com

Elisabeth Studer – 1er avril 2015 – www.leblogfinance.com


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