Evergrande : le dilemme de Pékin pour éviter un Lehman chinois

Les bourses du monde entier ont les yeux rivés sur le dossier. Evergrande, deuxième promoteur immobilier de Chine pourrait bientôt tomber en faillite. En cause, un endettement gigantesque de plus de 300 milliards de dollars. Un dossier sur lequel Pékin ne semble pour l’heure pas disposé à intervenir.

Alors, le risque systémique est il bien présent ? Quel impact une éventuelle faillite du groupe pourrait-elle avoir sur le tissu économique chinois ? Sur les bourses et l’économie mondiale ? C’est à ces questions que nous allons tâcher d’apporter des réponses !

Le groupe Evergrande Real Estate est un groupe chinois de promotion immobilière. Créé en 1996, il est aujourd’hui le deuxième plus important du pays en terme de projets sortis de terre. Le groupe est par ailleurs côté en bourse depuis 2009, à la bourse de Hong Kong. Si le cours de l’action reste timide pendant plusieurs années, l’actif connaîtra une véritable explosion en 2017. Entre mars et novembre, l’actif verra alors son cours multiplié par 3.

Si le groupe Evergrande est connu pour son rôle de promoteur immobilier, il a cherché ces dernières années à diversifier son activité. En investissant notamment dans le véhicule électrique, le tourisme ou encore le football. A ce titre, le groupe a détenu pendant près de 10 ans l’un des clubs les plus emblématiques du pays : le Guangzhou Football Club.

Des investissements parfois colossales qui pourraient être à l’origine du fort endettement du groupe. Un endettement qui a surtout été largement accentué par la crise financière chinoise de 2015. La crise sanitaire de 2020 a également contribué à fragiliser encore plus la santé financière du groupe. En raison notamment de la fermeture de nombreux centres commerciaux que l’entreprise gère.

Un impact sur les bourses du monde entier

Quoi qu’il en soit, ces dernières nouvelles ont eu un véritable impact sur les marchés boursiers. Sur la séance du jour, le CAC 40 a ainsi cédé 1,86 % après une reprise de fin de séance. Même son de cloche du côté du FTSE 100 qui recule de 0,86 % après une perte de près de 100 points dès l’ouverture. Le DAX allemand affiche quant à lui un recul supérieur au CAC 40. Avec une perte de 2,40 %.

Outre-Atlantique, à l’heure ou nous écrivons ces lignes, le NASDAQ est en recul de 1,80 % tandis que le S&P 500 affiche un recul à peu près similaire : – 1,64 %. Mais c’est bel et bien la bourse de Hong Kong qui semble être le plus touchée par le dossier Evergrande. L’indice Hang Seng Index, perd 3,30 % sur la journée et près de 7 % sur les 5 derniers jours. De son côté, l’action Evergrande affiche un recul de 10 % sur la journée. Et une perte de plus de 80 % de sa valeur depuis le début de l’année. Une perte qui pourrait être accentuée si le groupe n’honore pas le paiement d’intérêt sur sa dette auprès de plusieurs créanciers. Des traites qui doivent intervenir ce jeudi et qui auront à n’en pas douter un impact fort sur les marchés mondiaux.

Le gouvernement chinois : Ultime rempart pour Evergrande ?

Aujourd’hui, Pékin se retrouve coincé entre deux eaux. A la fois partagé entre le fait de sauver un fleuron de son économie et le fait de responsabiliser les plus grands groupes nationaux. Si un sauvetage financier d’Evergrande permettrait d’éviter le risque de contagion et la perte de plus de 300 milliards de dollars aux investisseurs, la démarche pourrait envoyer un message négatif aux autres entreprises chinoises. Celui de la déresponsabilisation des plus grands groupes face à la gestion de leur propre dette.

Un dilemme qui n’est pas sans rappeler celui auquel avait du faire face les autorités américaines en 2008 avec la banque d’investissement Lehman Brothers. Les autorités avaient finalement décidé de ne pas venir en aide à la banque américaine, créant le premier domino à ce qui allait devenir la crise des subprimes. Si le risque systémique est difficilement quantifiable, force est de constater que les banques chinoises semblent avoir les reins suffisamment solides pour supporter la faillite d’Evergrande.

Bon à savoir : Une partie de la dette d’Evergrande est détenue par les banques chinoises. Des banques qui ont elles-mêmes confiées cette dette, sous forme d’obligations à de nouveaux tiers comme les investisseurs privés ou particuliers.

Faillite d’Evergrande : Quels impacts anticiper ?

Tout d’abord, ils sont très difficiles à quantifier précisément. Si le système bancaire chinois semble en mesure d’absorber ce choc, certaines entités bancaires pourraient néanmoins se voir affaiblie par cet épisode. Ou tout simplement disparaitre.

Près de la moitié de la dette de l’entreprise est par ailleurs détenue par des particuliers. Des particuliers qui ont avancés les frais de construction sur plan pour des logements qu’ils ne verront probablement jamais. Une éventuelle faillite du groupe pourrait aussi être l’occasion pour les autorités chinoises de resserrer la vis sur le secteur et les taux d’endettement très importants des autres grands groupes. Ce qui aurait un véritable impact sur le secteur immobilier. A terme, cela pourrait avoir pour effet principal une baisse des prix de l’immobilier en Chine. Une crise immobilière qui pourrait à son tour impacter d’autres secteurs qui fournissent des matières premières.

Pour les entités étrangères qui détiennent de la dette d’Evergrande, en cas de faillite du groupe il sera probablement difficile d’obtenir une indemnisation. Dans tous les cas de figure, celles-ci ne seront pas traitées en priorité. Pour l’heure, le risque systémique à la Lehman Brothers semble être écarté.