NAMR : Pourquoi NamR et Omer-Decugis vont réussir leur introduction en Bourse

La dynamique renaissante des introductions en Bourse de Paris a subi un coup de semonce avec les renoncements d’ekWateur et de PHE. Mais le mouvement n’est pas pour autant remis en cause sur le fond. Le succès ne fait en effet guère de doute pour NamR et Omer-Decugis & Cie.

Invoquant les proverbiales conditions de marché (motif pratique qui permet aux banques d’investissement d’éviter de remettre en question les conditions qu’elles-mêmes proposaient au marché), le producteur d’énergie ekWateur puis le distributeur de pièces détachées automobiles Parts Holding Europe (PHE, maison-mère d’Oscaro) ont retiré à quelques jours d’intervalle leur projet d’introduction en Bourse.

Conjugué à la révision à la baisse des ambitions de Believe (pour qui la souscription est en cours jusqu’au lundi 8 juin au plus tard), ces abandons ont fait mauvaise figure, alors que la place parisienne espère que 2021 sera un grand cru pour les IPO. Mais les échecs d’ekWateur et de PHE s’expliquent largement par des circonstances propres à chacune, et d’autres candidats sont là pour prendre la relève. Dans l’immédiat se détachent notamment NamR et Omer-Decugis. Evoluant dans des secteurs complètement différents -le logiciel pour la première, la distribution de fruits et légumes pour la seconde- ces deux sociétés ne manquent certes pas d’atouts pour séduire les investisseurs.

Identifier les meilleures cibles de rénovation énergétique

NamR, dont la période de souscription court jusqu’au 9 juin, n’a été créée qu’en 2017, mais elle dégage déjà des revenus commerciaux, preuve de la pertinence de son positionnement sans concurrent pour l’heure. Ce spécialiste de la data intelligence est le premier éditeur de logiciels capable de fournir une bibliothèque complète de données géolocalisées permettant de caractériser quantitativement et qualitativement 100% des bâtiments français. Son offre s’adresse à des grands comptes. Les cas d’usages se déclinent à l’infini, notamment dans le domaine de la transition environnementale.

Pour ne donner qu’un seul exemple, NamR a permis à la région du Nord-Pas-de-Calais (désormais Hauts-de-France) de caractériser et identifier, pour un budget donné, les meilleures cibles de rénovation énergétique parmi 19.723 bâtiments scolaires dans la région, en s’appuyant sur plus de 200 caractéristiques (hauteur du bâtiment, type et orientation de toiture, éléments de façades, données énergétiques, coûts estimatifs des travaux…). Sous la direction de Chloé Clair, ingénieure et architecte au parcours impressionnant -elle était précédemment directrice technique de Vinci Construction, une entité pesant 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel- la firme s’adresse aussi aux collectivités locales, assureurs, opérateurs télécoms, sociétés foncières, concessionnaires de services publics, etc.

Visant à lever 8 millions d’euros dans le cadre de son introduction, NamR entreprend cette opération en vue de déployer son offre au niveau européen et de renforcer son avance technologique, qui constitue une barrière à l’entrée majeure. Autofinancée jusqu’ici, l’entreprise aurait pu trouver sans peine des bailleurs de fonds du côté privé, mais devenir une société cotée lui permet aussi d’accéder à une notoriété nouvelle. D’ailleurs depuis la seule annonce du projet d’entrée en Bourse, les sollicitations se sont déjà multipliées, a confié la dirigeante.

Un marché des fruits et légumes exotiques en plein essor

Avec Omer-Decugis & Cie, c’est une entreprise d’un tout autre profil qui se présente aux investisseurs (jusqu’au 14 juin pour la fin des souscriptions) puisque la création de cette société familiale remonte à… 1850. Ce qui en fera l’une des plus anciennes entreprises de la cote parisienne toujours aux mains de la famille fondatrice – un autre exemple connu étant Hermès, fondé en 1837. Le PDG Vincent Omer-Decugis représente la sixième génération à la tête du groupe… Quant au secteur d’activité de l’entreprise, il s’agit de l’agro-alimentaire puisque Omer-Decugis est spécialisé dans les fruits et légumes frais, principalement exotiques. Intégré de la production à la distribution, sa gamme de plus de 1.000 références couvre l’essentiel de l’offre de fruits et légumes exotiques consommés en Europe, dont le segment stratégique des « BAMA » (bananes, ananas, mangues et avocats).

Si le marché des fruits et légumes en général est en augmentation régulière (+5% l’an dernier en France) tiré par le phénomène de végétalisation de l’assiette, le groupe surperforme régulièrement avec un doublement du chiffre d’affaires sur les six dernières années et un triplement en dix ans.

Associé aux producteurs dans ses principales zones d’approvisionnement (Amérique Latine et Afrique) le groupe intègre les activités d’importation, de mûrissage, de conditionnement ainsi que la distribution en direction des enseignes de grande distribution ainsi que de la restauration, des commerçants et des industriels. Sa maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur constitue un avantage essentiel. Le mûrissage notamment est une compétence technique pointue qui lui permet de garantir des fruits à la maturité optimale et adaptés à chaque contexte de marché: depuis l’an dernier Omer-Decugis dispose du plus important site de mûrissage en France, fruit d’un investissement de près de 11 millions d’euros. L’autre point fort est une logistique sans faille pour livrer au client des produits éminemment périssables en quantité et maturité voulue…

Tout en étant très engagé vis-à-vis de sa responsabilité sociétale (récompensée par une note de 81/100, « exemplaire », attribuée par EthiFinance), le groupe se fixe d’ambitieux objectifs financiers, visant à doubler de nouveau de taille d’ici 2025 en atteignant un chiffre d’affaires consolidé de 230 millions d’euros (175 millions dès 2023), assorti d’une marge d’Ebitda supérieure à 5%. Pour cela, Omer-Decugis veut lever 13,6 millions d’euros, en hypothèse de prix médiane, afin d’augmenter ses capacités d’approvisionnement par des prises de participation minoritaires ou des apports de financement chez les producteurs-associés, implanter une deuxième plate-forme de mûrissage au MIN de de Châteaurenard-Provence, le pendant de Rungis pour le sud de la France, et augmenter ses capacités à Rungis.

Précisons qu’au-delà des attraits de NamR et Omer-Decugis, il est d’autant moins difficile de prédire le succès de leurs offres respectives… qu’elles bénéficient déjà de garanties de souscription importantes. Dans le cas de NamR, les engagements des sociétés de gestion Inocap, Sycomore, Financière Arbevel et des fonds Greenstock et Axxion à un degré moindre totalisent déjà 5,6 millions d’euros, soit 70% du montant à souscrire. Omer-Decugis & Cie a reçu des engagements pour un montant total de 10,4 millions d’euros, près de 70% là aussi du montant de l’offre de base, avec une mise importante d’Amiral Gestion (pouvant aller jusqu’à 6,3 millions à lui seul), et des engagements de Financière Arbevel à nouveau, DNCA, CDC Croissance et Imhotel.