La vision stratégique de Marko Kolanovic, à la tête des équipes de la recherche « marchés mondiaux » de JPMorgan est, depuis hier soir, citée dans quasiment tous les commentaires
– en dehors de ceux des banques concurrentes évidemment – qui expliquent la volte-face du Nasdaq Composite. L’indice des valeurs technologiques perdait pas loin de 3% pour commencer la semaine, il était bien parti pour aligner une quatrième séance de baisse d’affilée mais, dans un élan de fin de séance, il est parvenu à clôturer sur une note stable.
Le stratégiste de la plus grosse banque américaine explique, dès les premières lignes de son analyse envoyée aux clients hier et intitulée « Achetez la baisse – les marchés peuvent supporter des taux plus élevés », que « la hausse des rendements obligataires ne devrait pas perturber les actions, mais devrait plutôt soutenir la rotation de la croissance vers la valeur. » Comme l’ensemble de la communauté financière, il recommande d’acheter les actions des entreprises très dépendantes de la bonne santé de l’économie, qui ne se payent pas cher en Bourse puisque délaissées pendant la crise sanitaire, là où les entreprises de croissance, comme celle de la « tech », portées par des changements lourds dans les habitudes de consommation (e-commerce) et de production (écoresponsable), ont atteint des records de valorisation.
Mislav Matejka, de la stratégie actions de JPMorgan, constatait, hier également, dans une note séparée mais complémentaire, que « les premiers jours de l’année ont été marqués par une rotation importante, en faveur des banques, de l’automobile, des mines, de l’énergie, des voyages et l’assurance, tandis que la technologie, la santé, les services publics et l’immobilier sont restés à la traîne. » A la Bourse de Paris, sur le Cac 40, Renault et Société Générale sont en hausse d’environ 10% depuis le début de l’année alors que le testeur Eurofins Scientific et le sellier de luxe Hermès ont connu un démarrage compliqué.
Des taux réels « profondément négatifs »
JPMorgan reste positif sur les actions, écrit Marko Kolanovic, « et nous pensons qu’Omicron s’avérera finalement positif pour les actifs à risque, car cette variante plus bénigne mais plus transmissible accélère la transition de la pandémie à l’endémie. » Il recommandait, hier, d’acheter les indices américains à court terme, « en raison des conditions de survente ». A moyen terme, il privilégie les marchés émergents, la Chine et la zone euro, au vu de l’amélioration de l’activité, ainsi que le Royaume-Uni pour des raisons de valorisation.
L’augmentation des rendements obligataires, qu’incarne parfaitement la poussée des taux américains à dix ans à plus de 1,8% hier sur le marché secondaire de la dette, au plus haut depuis deux ans, « est clairement un vent contraire pour les actions à haut multiple », explique Mislav Matejka. Pour autant, en élargissant le tableau, il voit des arguments à la poursuite de la hausse de la Bourse, à commencer par le différentiel de rendement entre les actions (dividendes uniquement) et les obligations, qui reste « élevé, à 100-200 points de base. » En raison de la forte inflation, il souligne aussi que « les taux réels sont toujours en territoire profondément négatif. »
La croissance économique aux Etats-Unis – qui devrait, cette année, pétarader à un rythme inédit depuis « des dizaines d’années », selon les déclarations du patron de la banque JPMorgan Chase, Jamie Dimon, dans une interview à la chaîne d’informations financières américaine CNBC – devait booster les bénéfices des multinationales et porter leur valorisation en Bourse.