L’or continue de susciter l’intérêt des investisseurs dès que les incertions géopolitiques ou économiques se renforcent. Après avoir franchi la barre symbolique des 2 500 dollars l’once au premier trimestre 2025, ce métal précieux montre désormais des signes de consolidation. Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l’Épargne, souligne que la flambée de plus de 50 % observée sur douze mois trouve son origine dans la conjonction d’une inflation persistante, de tensions militaires et de politiques monétaires accommodantes. Toutefois, l’évolution récente de l’inflation à la baisse et l’absence de nouveaux chocs géopolitiques majeurs ont conduit à une phase de plateau sur les marchés de l’or.
Depuis l’Antiquité, l’or intervient dans les mécanismes d’échange et sert de référence pour les monnaies. Avant l’abandon, en 1971, de la convertibilité du dollar en or, les réserves officielles de ce métal assuraient la confiance dans la stabilité des monnaies nationales. Philippe Crevel rappelle que ces réserves constituent toujours un indicateur de souveraineté étatique : les premières économies mondiales – États-Unis, Allemagne, Chine, Russie, Italie – conservent plusieurs milliers de tonnes dans leurs coffres centraux. La France, avec plus de 2 400 t, se classe au quatrième rang mondial, témoignant du rôle que jouent les stocks d’or dans la stratégie de préservation de la valeur.
La densité, la résistance à la corrosion et l’inaltérabilité font de l’or un élément unique parmi les matières premières. Sa disponibilité limitée renforce sa réputation d’actif rare ; si le métal avait l’abondance du fer, son attrait serait sans doute moindre. Cette rareté intrinsèque explique la demande continue des banques centrales, même dans un contexte de monnaies à cours flottant. Les spécialistes insistent sur le fait que l’or ne génère ni intérêts ni dividendes, ce qui le distingue des obligations et des actions et en fait un placement purement spéculatif, sujet aux fluctuations de prix sans revenus intermédiaires.
Le cours de l’or a connu des hausses fulgurantes, mais aussi des replis parfois durables. Les achats au sommet des années 1980 ont mis deux décennies à retrouver leur valeur initiale, soulignant la nécessité d’adopter une approche temporelle mesurée. Comme le souligne Philippe Crevel, « l’or, c’est comme le bitcoin : ça monte, ça descend ». Il appartient aux investisseurs de mesurer la tolérance à la volatilité de ce métal et de planifier des points de sortie pour encaisser les gains. L’absence de revenu courant oblige à compter uniquement sur l’appréciation du capital, ce qui peut peser sur la performance globale d’un portefeuille alloué majoritairement à l’or.
Depuis le début du deuxième trimestre 2025, le métal évolue autour de 2 450–2 550 $ l’once, traduisant une certaine nervosité des intervenants face à la possible normalisation des taux directeurs. La réduction partielle des tensions au Moyen‑Orient et la stabilisation de l’indice des prix à la consommation aux États‑Unis ont réduit l’attrait pour l’or comme hedge principal contre la hausse des coûts. Selon l’analyse du Cercle de l’Épargne, la probabilité d’une correction à la baisse l’emporte actuellement sur celle d’une nouvelle envolée, d’où l’importance d’évaluer précisément le moment d’entrée sur le marché.
L’investissement dans l’or peut se faire à différents niveaux de ticket : acquisition de lingots ou de lingotins, pièces de monnaie, produits dématérialisés (ETF adossés à l’or physique), actions de sociétés minières, voire contrats à terme sur les marchés de gré à gré. Des affidavits bancaires et des solutions de garde externalisée sont proposés pour sécuriser la détention physique sans risque de vol. Chaque option comporte des coûts variables : primes sur le prix spot, frais de gestion pour les ETF, commissions de courtage ou de stockage.
La fiscalité de l’or dépend du certificat d’achat : sans justificatif, l’acquéreur s’expose à une taxation forfaitaire de 11 % sur le prix de cession ; avec facture, seule la plus-value est soumise au prélèvement libératoire de 36,2 % (19 % d’impôt sur le revenu + 17,2 % de prélèvements sociaux). Il n’existe pas de durée minimale de détention, ce qui offre une flexibilité pour ajuster son allocation en fonction des cycles de marché. La facilité d’arbitrage en Bourse ou via des courtiers spécialisés simplifie la revente, à condition d’anticiper les mouvements pour éviter la vente au plus bas.
Dans le cadre d’une stratégie d’allocation structurée, les spécialistes recommandent de limiter l’exposition à l’or à 5–10 % de l’ensemble des actifs financiers. Cette proportion permet de bénéficier de l’effet protecteur en cas de choc majeur sans compromettre le potentiel de rendement global. L’or conserve sa vocation d’instrument à mobiliser en période critique plutôt que de générateur de revenus durable.