C’est l’un des placements phare de l’année. Sur le premier semestre 2022, les acteurs français du private equity ont collecté plus de 21 milliards d’euros. Parmi les souscripteurs, on retrouve, sans surprise, des fonds de pension, des caisses de retraite et des compagnies d’assurance. Mais aussi, de plus en plus, des particuliers.

Ces derniers ont investi plus de 1,9 milliard d’euros au cours des 6 premiers mois de l’année, selon France Invest. Soit 14% de plus qu’à la même période en 2021. Résultat ? Les particuliers et les family offices, qui gèrent les grandes fortunes privées, représentent aujourd’hui 12% des souscriptions totales. Du jamais vu.

Mais pourquoi une telle ruée vers le private equity ? Pour rappel, le private equity, ou capital-investissement, est une classe d’actifs à part entière. Ce placement consiste à prendre une participation au capital d’entreprises non cotées en bourse dans l’espoir de réaliser une plus-value lors de la revente des parts.

Faible liquidité

Cet investissement n’est pas sans risque. Loin s’en faut. « Le private equity est un pari sur l’avenir. Selon les cas, l’investisseur finance le lancement d’une entreprise, son développement ou sa transmission. Or 90% des startups font faillite, dont 10% dès la première année », rappelle Claude Calmon, fondateur du cabinet de conseil en levée de fonds Calmon Partners

Autre bémol de ce placement : son manque de liquidité. « Lorsque vous investissez dans le private equity, vos fonds sont souvent bloqués pour 8 à 10 ans », explique Frédéric Stolar, managing partner chez Altaroc. « Ce sont des investissements sur des durées longues, car il faut laisser aux entreprises le temps d’investir cet argent pour se développer ».

Pas étonnant, dès lors, que cette classe d’actifs soit longtemps restée réservée aux seuls investisseurs institutionnels. « Le private equity existe depuis plus de 50 ans. Mais on commence tout juste à entendre parler de cet univers d’investissement chez les particuliers », confirme Frédéric Stolar.

Rendements records

Qu’est-ce qui a changé ? « Au cours des 10 dernières années, les placements vers lesquels les particuliers avaient l’habitude de se tourner ont perdu de leur superbe », estime Frédéric Stolar. « Les placements sans risque, tels que les fonds euros, ont vu leur rendement moyen s’effondrer jusqu’à atteindre 1,3% en 2021. Quant aux marchés actions, ils offrent l’avantage de la liquidité mais sont extrêmement volatils ».

Par contraste, le private equity affiche des performances records et une certaine stabilité. Sur les 15 dernières années, cette classe d’actifs a rapporté 12,2% par an, selon l’association France Invest. « Et encore, il ne s’agit que d’une moyenne. Les meilleurs fonds atteignent jusqu’à 25% de rendement par an », précise Frédéric Stolar.

Des chiffres qui donnent le vertige. A titre de comparaison, le CAC40, indice phare de la place parisienne, a généré une performance annuelle de 5,1% entre 2007 et 2021. Toujours selon France Invest, les rendements moyens de l’immobilier auraient quant à eux atteint 6,3% par an sur cette même période. Soit presque deux fois moins.

Ticket à 25 euros

Alors forcément, le private equity attise la curiosité des investisseurs privés en quête de rendement. D’autant qu’avec l’entrée en vigueur de la loi Pacte, en 2019, les particuliers peuvent désormais investir jusqu’à 50% de leur contrat d’assurance vie dans des fonds de private equity.

Pour répondre à la demande, de plus en plus d’assureurs référencent aujourd’hui des fonds de capital-investissement. Parmi eux, la fintech Yomoni, qui, en partenariat avec Altaroc, propose depuis peu à ses clients d’investir dans le private equity. Pour souscrire, il vous faudra toutefois montrer patte blanche : le ticket d’entrée est fixé à 100 000 euros et vous devez avoir un patrimoine financier (hors immobilier) supérieur à 500 000 euros.

Cela vous parait conséquent ? Pourtant, il y a quelques années, souscrire des parts dans un fonds de private equity pour un tel montant aurait été (presque) impossible. « Auparavant, je gérais un fonds avec 1 milliard d’euros d’encours. Mon plus petit client pesait 15 millions d’euros et on avait plus de demandes que de places dans nos fonds », se souvient Frédéric Stolar.

Mais les temps changent. Et le private equity s’ouvre aujourd’hui à un public plus large. La banque en ligne Boursorama Banque, par exemple, vient de lancer une nouvelle offre 100% digitale de private equity. Accessible dès 25 euros, cette dernière peut être souscrite via le contrat d’assurance vie Boursorama Vie, un compte-titres ou un PEA-PME.

Mauvais fonds

Un ticket d’entrée à 25 euros, c’est inédit. Toutefois, reste à savoir si les performances seront au rendez-vous. Atteindrez-vous vraiment 12,2% de rendement par an ? Rien n’est certain. Car bien souvent, les fonds de private equity les plus performants restent réservés aux clients institutionnels.

« La plupart des fonds de private equity ne savent pas gérer la complexité opérationnelle et règlementaire des particuliers », confirme Frédéric Stolar. « Ces fonds ont l’habitude de gérer 30 à 50 gros clients institutionnels. Par conséquent, ils n’ont pas les infrastructures nécessaires pour s’occuper de 10 000 clients privés ».

Et si certains fonds s’ouvrent aux particuliers, ce n’est pas toujours par choix. « Les fonds dont la performance est moyenne ont de plus en plus de mal à lever de l’argent auprès des grands institutionnels. Résultat : une partie de ces fonds se tournent aujourd’hui, par défaut, vers les clients privés », met en garde Frédéric Stolar.